vendredi 30 octobre 2015

Lettres à ma mère de DIDIER LETT

Lettres à ma mère  de DIDIER LETT

 Broché: 128 pages 
Éditeur :  Le Robert

Parution :21 octobre  2015
collection: Mots intimes
 
9€90

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 De Charles Baudelaire à Gérard Depardieu, en passant par Paul Éluard, Le Corbusier ou encore Marie Trintignant... Découvrez les plus belles lettres de relations maternelles et filiales de personnages célèbres et anonymes. Didier Lettest agrégé d'Histoire et Professeur d'Histoire médiévale à l'Université Paris-Diderot (Paris VII). Il est spécialiste internationalement reconnu de l'histoire de l'enfance, de la famille, de la parenté et du genre. "Mots Intimes" est la nouvelle collection consacrée à l'art épistolaire et à l'amour des mots, publiée avec le concours du site deslettres.fr, et qui fait son entrée dans le catalogue des éditions Le Robert.

Mon avis: Je remercie tout d'abord les éditions Le Robert et Babelio pour cette masse critique privilégiée, j'ai en effet été  très surprise de recevoir cette proposition de partenariat sachant que cela n'est pas spécialement mon genre de littérature, j'ai hésité un court instant avant d'accepter et comme je suis de nature  très  curieuse, j'ai accepté et choisi parmi les titres celui qui me tenait  le plus à cœur, celui pour les mamans. En effet, moi qui a un amour inconditionnel pour ma maman et qui suis moi même maman d'une petite puce, je ne pouvais choisir que celui-ci pour découvrir ce genre de recueil.  
 Déjà parlons du livre-objet, il est magnifique avec son cœur en relief au milieu , sa sobriété du rose et blanc, son papier d'une très grande qualité, il a une odeur d'encre comme je les aime, on dirait qu'il sort de l'imprimerie  et ses pages sont très agréables également, avec des photos et citations tout au long, j'ai adoré. Petit clin d’œil également à la maison d'édition qui m'a envoyé ce livre dans une très belle enveloppe rouge, superbe !!!! je les remercie pour cette adorable attention.



« Ma Lilette, tu ressemble à une vache, 
Je t'aime.»
Gérard Depardieu

Pour ce qui est du contenu: c'est un petit recueil de correspondances épistolaires provenant de personnages plus ou moins célèbres, enfin moi j'en connaissais certains mais d'autres j'en avais jamais entendu parler, ce que j'ai d'ailleurs trouvé très intéressant car en plus de lire de jolies lettres, j'ai découvert des personnages qui m'étaient absolument inconnus jusque là. 
L'auteur nous a fait une sélection de lettres des plus émouvantes les unes que les autres réalisées en particulier par des hommes[quelques femmes également mais très peu] à leur maman pour ainsi  exprimer ce qu'ils ressentaient  mais qu'ils  ne parvenaient pas à leur dire oralement. [moments très émouvants, qui m'ont souvent donné la chair de poule.]
Avant chaque lettre, se trouve une petite présentation des auteurs de cette correspondance avec le moment où elle a été écrite et les circonstances de celle-ci ( très intéressant du reste également). De jolies citations ornent également les pages de ce livre.
La première missive est une lettre datant des années 840,  d'une personne que je ne connaissais absolument pas, Dhuoda, une maman privée de ses deux enfants et qui écrit à son fils Guillaume, ensuite nous pouvons lire chronologiquement des correspondances de Charles Baudelaire, François Mauriac, Antoine de Saint Exupéry, Gérard Dépardieu et bien d'autres encore puisqu'il y a plus de vingt correspondances, pour finir en avril 2014 avec Reyhaneh Jabbari, jeune femme iranienne condamnée à mort en 2009 et pendue le 26 octobre 2014  jour de ma lecture :( .
J'ai également adoré la très belle préface de Didier Lett nous
expliquant le choix de ces correspondances. Toutes ces lettres nous content des textes véritablement intimes, qui nous  montrent la grandeur de l'amour entre l'enfant et sa mère. Nous découvrons également à travers ces lettres, les histoires quotidiennes de ces personnages toute plus émouvantes les unes que les autres.

 
« Adieu, Tu sais que je t'aime beaucoup  "quand même". »
André Gide

En conclusion:  Lettres à ma mère est un recueil épistolaire de merveilleuses correspondances d'enfants à leur maman , des textes totalement différents mais qui ont un point commun entre eux, l'amour pour leur mère. Un petit recueil passionnant, très émouvant, très instructif également que j'ai vraiment beaucoup aimé  

  « Je viens me poser sur ton cœur. Je t'aime, je pense à toi, tu es ma petite maman adorée. »
Jacques Dreyfus

Reyhaneh Jabbari : la dernière lettre poignante de la jeune Iranienne pendue



Chère Sholeh, aujourd’hui j’ai appris que c’est à mon tour de faire face à Qisas (la loi du talion dans le système judiciaire iranien, ndlr). Je suis blessée d’apprendre que tu ne m’as pas laissé savoir que j’avais atteint la dernière page du livre de ma vie. Ne penses-tu pas que j’aurais dû savoir? Tu sais que ta tristesse me rend honteuse. Pourquoi ne m’as tu pas laissé la chance d’embrasser ta main et celle de papa?

Le monde m’a permis de vivre pendant 19 ans. Durant cette nuit inquiétante, j’aurais dû être tuée. Mon corps aurait été jeté dans un coin de la ville, et après quelques jours, la police t’aurait conduite dans le bureau du médecin légiste afin d’identifier mon corps et tu aurais appris que j’avais également été violée. Le meurtrier n’aurait jamais été retrouvé puisque nous n’avons ni leur richesse ni leur pouvoir. Tu aurais alors continué ta vie dans la douleur et dans la honte, et quelques années plus tard tu serais morte de cette douleur, voilà tout.
Néanmoins, avec ce maudit coup, l’histoire a changé. Mon corps n’a pas été jeté au loin, mais dans la tombe de la prison d’Evin et ses cellules d’isolement, et à présent la prison de Shahr-e Ray, qui ressemble aussi à une tombe. Mais tu dois céder au destin. Ne te plains pas. Tu sais mieux que moi que la mort n’est pas la fin de la vie.
Tu m’as appris que l’on vient au monde pour profiter d’une expérience et apprendre une leçon, et qu’avec chaque naissance, une responsabilité est placée sur notre épaule. J’ai appris que parfois l’on doit se battre. Je me souviens quand tu m’as raconté que l’homme s’est opposé à l’homme qui me flagellait, mais que ce dernier lui a fouetté la tête et le visage jusqu’à ce qu’il meure. Tu m’as dit que pour créer de la valeur, l’on devait persévérer même si un autre mourait.
Tu m’as appris que, puisque nous allons à l’école, nous devons nous comporter en dame face aux querelles et aux plaintes. Te souviens-tu à quel point tu insistais sur la façon dont on se comportait? Ton expérience était incorrecte. Quand cet incident s’est produit, mes enseignements ne m’ont pas aidé. Etre présentée à la barre m’a fait passer pour une meurtrière de sang-froid et une criminelle sans pitié. Je n’ai pas versé une larme. Je n’ai pas supplié. Je n’ai pas pleuré toutes les larmes de mon corps car je faisais confiance à la loi.
Mais j’été accusée d’être indifférente au crime. Tu vois, je ne tuais même pas les moustiques et je prenais les cafards par les antennes pour les jeter un peu plus loin. Désormais je suis devenue une meurtrière préméditée. Mon traitement des animaux a été interprété comme ayant un penchant masculin et le juge n’a même pas pris la peine de regarder les faits et de voir qu’au moment de l’incident j’avais de longs ongles vernis.
C’était si optimiste d’attendre de la justice de la part des juges ! Il ne s’est jamais interrogé sur le fait que mes mains ne sont pas épaisses comme celles d’une sportive, en particulier d’une boxeuse. Ce pays que tu m’as fait chérir n’a jamais voulu de moi et personne ne m’a soutenu quand, sous les coups des interrogateurs, je criais et j’entendais les mots les plus vulgaires. Quand j’ai perdu mon dernier signe de beauté en me rasant les cheveux, j’ai été récompensée : 11 jours en cellule d’isolement.
Chère Sholeh, ne pleure pas pour ce que tu entends. Le premier jour, au poste de police, quand un vieil agent non marié m’a brutalisé à cause de mes ongles, j’ai compris que l’on ne recherche pas la beauté dans cette ère. La beauté des apparences, la beauté des pensées et des souhaits, une belle écriture, la beauté des yeux et de la vision, et même la beauté d’une douce voix.
Ma chère mère, mon idéologie a changé et tu n’en es pas responsable. Ma lettre est interminable et je l’ai donné à quelqu’un pour que, lorsque je serai exécutée sans ta présence et sans ton savoir, elle te sera donnée. Je te laisse ce matériel écrit en héritage.
Cependant, avant ma mort, je veux quelque chose de toi, que tu dois me fournir avec toute ta force, quelle que soit la manière dont tu l’obtiens. En fait, c’est la seule chose que je veux de ce monde, de ce pays et de toi. Je sais que tu as besoin de temps pour cela.
Je vais donc te raconter une partie de mon vœu dès maintenant. S’il te plaît, ne pleure pas et écoute. Je veux que tu ailles au tribunal et que tu leur fasses part de ma requête. Je ne peux pas écrire une telle lettre qui serait approuvée par le chef de la prison ; alors une fois de plus, tu dois souffrir à cause de moi. Pour cette chose seulement, je t’autorise à supplier, bien que je t’ai dit à maintes reprises de ne pas supplier de me sauver de l’exécution.
Ma tendre mère, chère Sholeh, qui m’est plus chère que ma propre vie, je ne veux pas pourrir sous terre. Je ne veux pas que mes yeux ou mon jeune cœur deviennent poussière. Tu dois les supplier pour que, dès que je serai pendue, mon cœur, mes reins, mes yeux, mes os et tout ce qui peut être transplanté soit retiré de mon corps et donné à quelqu’un qui en a besoin. Je ne veux pas que le receveur connaisse mon nom, ni qu’il m’achète des fleurs ou même qu’il prie pour moi.
Je te le dis depuis le plus profond de mon cœur : je ne veux pas d’une tombe où tu viendrais pleurer et souffrir. Je ne veux pas que tu portes du noir pour moi. Fais de ton mieux pour oublier mes jours difficiles. Donne-moi au vent, afin qu’il m’emporte.
Le monde ne nous a pas aimé. Il n’a pas voulu mon destin. Et à présent, je lui cède et j’embrasse la mort. Car dans la cour de Dieu, j’accuserai les inspecteurs, j’accuserai l’inspecteur Shamlou, j’accuserai le juge, et les juges de la Cour Suprême du pays qui m’ont tabassée quand j’étais éveillée et n’ont eu cesse de me harceler.
Dans la cour du Créateur, j’accuserai le Docteur Farvandi, j’accuserai Qassem Shabani et tous ceux qui, par ignorance ou avec leurs mensonges, m’ont fait du mal et ont piétiné mes droits et n’ont pas tenu compte du fait que parfois, ce qui semble être la réalité ne l’est en fait pas du tout.
Ma chère et tendre Sholeh, dans l’autre monde c’est toi et moi qui sommes les accusatrices et les autres qui sont les accusés. Nous verrons ce que Dieu désire. Je voulais t’embrasser jusqu’à ce que je meure. Je t’aime.

« Que vous aimiez Jean-Louis Fournier. ou Le livre sans nom., Bret Easton Ellis. ou Alexandre Jollien., Babelio vous invite toute l’année à partager vos critiques de livres. ou à lire les critiques littéraires de la presse. en allant sur Babelio.com. 

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